J'ai lu pour vous "La Grotte" de JP Dubé
Dès le départ, l’auteur sème le doute car
la narration au je est tantôt masculine tantôt féminine, parfois les deux dans
la même phrase : « Je suis possédée… Je suis déchiré…, Épuisé, soulagée…». La grotte du titre est l’endroit où un jeune homme a été assassiné par un prêtre homosexuel envoyé en prison pour dix ans.
Les personnages – jeune homme, petite amie, prêtre, etc. – ne portent pas de nom.
La voix narrative prédominante est celle
du prêtre défroqué. La grotte, elle, demeure silencieuse, « elle ne signe aucun crime, mais elle n’est pas innocente ».
Dubé signe un roman psychologique où un homme ne veut pas de lui : « Je me fais mal d’être qui je suis. » La jeune femme, elle, refuse d’habiter son corps, son âme s’évapore. Le seul lien entre eux est
une blessure. L’un et l’autre sont assis
« sur la clôture du bien et du mal ».
L’homosexualité est abordée presque
entre les lignes. Le prêtre a enseigné dans
un pensionnat et a été attiré par un de
ses élèves. Il avoue cependant avoir eu peur, toute sa vie, d’être près d’un homme,
même s’il en a aimé un. L’auteur note,
dans un beau jeu de mots, que le sexe est
une évasion : « pénétrer, c’est une façon de sortir, de s’en aller dans le passé ou l’avenir, avec l’image des absents collés contre
le corps ».
Parlant de jeu de mot, Dubé puise dans
le décor religieux pour décrire l’attirance entre le prêtre et l’élève : « Il est innocent.
Il est là dans ma classe comme une lumière dans mes ténèbres, la solitaire lampe de
mon sanctuaire. » Belle trouvaille !
Il y a beaucoup de sensibilité, de suggestibilité et d’intensité dans La Grotte. L’éditeur parle d’une écriture qui a une qualité « durasienne ». Jean-Pierre Dubé illustre avec brio qu’en tuant une personne, on peut aussi tuer l’amour en soi et la passion.